Automobile et environnement : questions d'actualité

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Pourra-t-on bientôt tous rouler en voiture électrique ?

Les voitures électriques : on en parle beaucoup, elles sont mises en avant par les gouvernements, les constructeurs automobiles investissent des milliards pour leur développement. Va-t-on tous rouler en électrique bientôt ?

Si les études les plus récentes semblent démontrer le fort potentiel des véhicules électriques dans la lutte contre le réchauffement climatique, cela restera fortement dépendant de la manière dont l'électricité sera générée, et des progrès qui seront effectués au niveau de la production des composants et des batteries (plus de détails dans notre article dédié à l'impact environnemental de la voiture électrique). Même dans les pays où le mix énergétique est peu carboné, les études prévoient qu'il faudra parcourir un certain nombre de kilomètres avant que le tout électrique ne présente un réel avantage :

Electrique vs. Diesel : impact carbone en fonction du kilométrage

Dans le même temps, les gouvernements multiplient les avantages fiscaux à l'achat d'un véhicule électrique, et les constructeurs investissent l'essentiel de leurs moyens dans le développement de cette technologie.

Pourtant, sauf évolution technique majeure, il est peu probable que nous roulions tous en voiture électrique dans les quelques années qui viennent. Quelques éléments d'explication.

Les ressources disponibles

(Mise à jour Mars 2021)
Le premier frein à une généralisation de l'électrique est finalement assez terre à terre : d'après les dernières études, nous n'aurions pas assez de ressources sur la planète pour produire assez de batteries et composants électriques pour tout le parc automobile (et tous nos smartphones !), en tout cas en utilisant la technologie actuelle.

Le lithium (un des principaux composants des batteries actuelles) est souvent pointé du doigt. Une étude publiée en janvier 2020 par l'USGS (United States Geological Survey) évalue les réserves mondiales de lithium à 80 millions de tonnes. Toujours selon la même étude, seul 65% du lithium aujourd'hui extrait est exploité pour la production de batteries, voitures et tous appareils électroniques inclus. Même en supposant que les batteries augmenteront leur part du gâteau, on peut prévoir en restant optimiste qu'environ 60 millions de tonnes seront disponibles pour nos voitures.

Actuellement, pour la fabrication de nos voitures électriques, nous consommons environ 50.000 tonnes de lithium par an (57.700 tonnes en 2019 pour l'ensemble de la production mondiale de batteries). Mais seules 2% environ des voitures produites sont électriques !

Allons au bout du calcul : si 100% des voitures produites étaient électriques (soit 50 fois plus qu'aujourd'hui), au rythme actuel, nous consommerions donc 50 x 50.000tonnes = 2.5 millions de tonnes par an de lithium.

Ce qui viderait les réserves mondiales de lithium en... 24 ans (2.5Mt par an, 80Mt disponibles) !

Pour nuancer ce résultat, on peut tout de même mentionner quelques points importants :

  • Il est peu probable que la voiture électrique constitue 100% de la production dans la décennie à venir. Les ressources seront donc loin d'être vidées à l'horizon 2050, ce qui laisse un peu de marge pour faire progresser la technologie et nos modes de déplacement.
  • La technologie actuelle des batteries évolue vite. On peut donc espérer qu'au fil des années, elles seront de moins en moins gourmandes en lithium.
  • De nouvelles technologies sans lithium sont à l'étude : cependant, elles ne sont pas encore assez performantes et fiables à l'heure actuelle.
  • Tous les gisements de lithium n'ont pas forcément été découverts : tout comme on continue à trouver du pétrole alors que le pic est promis, à tort, depuis des décennies, des réserves de lithium inconnues nous attendent peut-être encore dans le sous-sol. Rien que ces dernières années, l'estimation du stock mondial a été multipliée par 4, il est donc raisonnable de croire que ce chiffre peut encore augmenter.
  • Les méthodes de recyclage des batteries sont vouées à progresser, et réduiront donc probablement les tensions sur cette ressource.

- La situation semble réellement beaucoup plus critique pour le nickel, le cobalt, le cuivre et même... l'eau !

En revanche, la situation semble réellement beaucoup plus critique pour plusieurs autres matériaux nécessaires à la fabrication des voitures électriques. Il s'agit notamment, par ordre de criticité croissante, du nickel, du cobalt et... du cuivre ! Et indirectement, de sérieuses questions se posent sur les ressources en eau, qui est (très) fortement utilisée pour fournir des matériaux exploitables.

Afin de mieux comprendre ces problématiques, une vidéo un peu technique mais passionnante, par Emmanuel Hache, expose la situation pour tous les matériaux à l'horizon 2050 :

Les matériaux de la transition énergétique

En conclusion : dans l'état actuel des choses, la disponibilité des ressources sera un aspect critique du développement du véhicule électrique. Sans de nets progrès techniques, ou sans alternative technologique viable, sa prévalence sur le marché ne sera pas assurée sur le long terme, et risquera d'engendrer des tensions géopolitiques majeures. Bien évidemment, des solutions sont déjà à l'étude, il faudra donc espérer qu'elles aboutissent avant épuisement des ressources !

Un petit mot sur les terres rares, qui font souvent l'objet de débats : comme leur nom ne l'indique pas, celles-ci ne sont pas si rares. Par ailleurs, elles ne sont quasiment plus utilisées dans les batteries des voitures. Elles le sont encore parfois pour la fabrication des aimants permanents des moteurs, mais même ceux-ci utilisent de plus en plus souvent des solutions alternatives. À titre d'exemple, la Tesla Model S ou la Renault Zoé n'utilisent plus du tout de terres rares. Elles ne devraient donc plus être un souci pour l'avenir.

Le renouvellement du parc automobile

Deuxième indicateur qui nous poussera à nous armer de patience : la vitesse de renouvellement du parc automobile.

Les progrès technologiques de ces dernières décennies ont contribué à une fiabilité accrue de nos voitures. Elles durent plus longtemps, certaines sont même garanties 1.000.000 de kilomètres ! Il n'est plus étonnant de voir une voiture bien entretenue rouler pendant une quinzaine d'années, et c'est tant mieux : une plus longue durée de vie, c'est moins de ressources primaires à utiliser pour déplacer tout le monde, et moins de production. Mais cela veut aussi dire vieillissement du parc automobile.

- Même si l'on convertissait tout en électrique dans les années à venir, il nous faudrait encore 20 à 25 ans pour voir les voitures thermiques disparaitre.

Car si les voitures vendues aujourd'hui durent 15 ans... C'est qu'il faudra 15 ans avant qu'elles soient remplacées par des modèles électriques, dans le meilleur des cas. Et comme on est encore bien loin de vendre uniquement des voitures électriques, il y a fort à parier que même si l'on convertissait toute la production dans les années à venir, il nous faudrait encore 20 à 25 ans pour voir les voitures thermiques disparaitre. Dans le meilleur des cas...

La production d'électricité

Et parce que ce serait encore trop simple, un autre problème de taille va encore s'ajouter à l'équation : la production d'électricité. En effet, si le besoin lié aux véhicules électriques est encore marginal aujourd'hui, il pourrait devenir non-négligeable si le parc évolue.

Et il faudra alors faire des compromis de taille : créer de nouvelles centrales nucléaires, alors qu'une partie de la population pousse déjà à réduire leur nombre ? De nouvelles centrales charbon ou gaz, fortement émettrices de CO2 ? Compenser par du renouvelable, alors qu'on peine déjà à le développer avec le besoin actuel ?

Il faudra faire des choix, et cela promet des débats houleux dans les années à venir...

Les infrastructures de recharge

Un dernier point freine encore beaucoup la démocratisation de la voiture électrique : les points de recharge rapides, fiables et accessibles sont encore trop peu nombreux. Si l'on imagine aisément qu'on puisse recharger à domicile si l'on habite dans une maison avec garage, cela devient tout de suite beaucoup plus complexe quand on n'a pas de place de stationnement attitrée, comme c'est souvent le cas en ville. Des investissements massifs et une réflexion approfondie seront nécessaires pour permettre au thermique et à l'électrique de cohabiter, notamment en zone urbaine, tout en rendant accessibles au plus grand nombre les points de recharge.

L'absence de standardisation des formats de chargeurs, et l'évolution rapide des équipements associés (câbles, adaptateurs, ...), sera également un sujet critique à clarifier, pour que les investissements soient efficaces et pérennes, et pour ne pas décourager le consommateur qui souhaiterait franchir le cap.

Alors, qui roulera en électrique en fin de compte ?

Si toutes ces considérations peuvent paraitre un peu pessimistes pour le véhicule électrique, c'est qu'il ne faut pas l'attendre comme LA solution miracle. C'est simplement une des solutions, parmi d'autres, qui nous permettront de limiter nos émissions de gaz à effet de serre. Elle sera dépendante des progrès techniques qui seront effectués, comme ça a été le cas pour les moteurs thermiques. Et les investissements massifs récents ne peuvent que nous pousser à l'optimisme.

- Elle s'intègrera progressivement dans nos modes de déplacements, et sera de plus en plus performante et accessible au fil des années.

Il est inutile d'espérer voir le monde entier rouler en électrique dans les quelques années à venir, en revanche il ne faut pas pour autant baisser les bras face à cette technologie, qui ne peut que continuer à progresser, et qui représente déjà un avantage très net en termes d'émissions de CO2 dans les pays comme la France, où l'électricité est peu carbonée. Elle s'intègrera progressivement dans nos modes de déplacements, et sera de plus en plus performante et accessible au fil des années, à condition qu'elle continue de croitre.

En attendant, son coût élevé et son autonomie relativement faible rendent la voiture électrique peu adaptée à une partie des utilisateurs. Par ailleurs, d'un point de vue CO2, elle ne devient vraiment rentable que lorsqu'elle accumule les kilomètres, surtout dans les pays dépendants encore du charbon. Et paradoxalement, sa faible autonomie la rend plutôt adaptée pour des courts trajets. Un utilisateur 'standard' peinera donc à concilier les deux... Un usage adapté du véhicule électrique est finalement assez restrictif !

- Peut-être est-il temps de repenser notre utilisation de l'automobile, pour qu'elle prenne en compte les nouvelles contraintes techniques.

C'est donc avant tout pour des trajets courts et réguliers que l'électrique sera particulièrement adapté, par exemple en milieu urbain, pour des taxis, pour des transports en commun, pour des déplacements régionaux, pour du partage de véhicule... Peut-être est-il également temps de repenser notre utilisation de l'automobile, pour qu'elle prenne en compte ces nouvelles contraintes techniques : adapter nos usages à la voiture électrique, plutôt que d'adapter la voiture à notre utilisation abusive ? Dans tous les cas, le véhicule électrique fera partie du paysage automobile des décennies à venir, reste à le faire progresser et gagner en maturité, afin de maximiser sa contribution dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Paul Guillard | Publié le 6 Nov 2020 - Crédit photo : Gerd Altmann de Pixabay

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