On a souvent associé Diesel et fumées noires. Certains ont peut-être en tête des images de moteurs lâchant un panache de suies au démarrage. Pourtant, depuis la norme Euro 5, mise en place en 2011, tous les moteurs Diesel doivent être équipés d'un filtre à particules, dont le rôle est justement de filtrer ces fumées indésirables.
Pourtant, on a récemment entendu dire que les moteurs Diesel émettaient en réalité beaucoup plus de particules qu'on ne le pensait, à cause de ses régénérations. Et que les niveaux de suies dégagés étaient donc largement supérieurs à la limite autorisée. Quelques clarifications sur ces affirmations...
Le fonctionnement du filtre à particules
Commençons par un peu de technique ! Le filtre à particules fonctionne de la façon suivante : c'est une brique cylindrique d'environ 20 à 25cm de diamètre et 40cm de long, placée à la sortie du moteur. Elle contient un assemblage complexe en céramique, qui filtre le gaz d'échappement le traversant. De cette façon, les suies présentes à la sortie du moteur restent bloquées, et ne sortent plus par le pot d'échappement.
La technologie est aujourd'hui bien maitrisée, et on filtre ainsi plus de 99% des suies produites par la combustion du carburant. Autrement dit, presque rien ne passe. On ne fait pas plus de fumées avec un moteur Diesel qu'avec un moteur essence (c'est même parfois le contraire avec certains moteurs à injection directe essence !), et les niveaux sont réellement bas. Au point que le freinage génère presque autant de particules que le moteur.
- La régénération du filtre à particules augmentera la température du filtre à un niveau qui consumera les suies piégées -
Cependant, à force de filtrer les suies, la brique se remplit, au point de se boucher. Pour éviter cela, une stratégie est mise en place : la régénération du filtre à particules. Dans les grandes lignes, cela consiste à utiliser un excès de carburant pour qu'il brûle non pas dans le moteur, mais dans la brique. Ce faisant, il augmentera la température du filtre à un niveau qui consumera les suies piégées - entre 550°C et 700°C. Quelques minutes dans ces conditions un peu extrêmes, et le filtre aura été complètement nettoyé !
Cette procédure s'effectue périodiquement, en moyenne tous les 500km, même si cela peut dépendre un peu du profil de conduite.
Alors, quel est le problème ?
Là où il peut y avoir débat, c'est que pendant ces phases de régénérations du filtre, celui-ci perd une partie de ses capacités de filtration. Et relâche donc un certain nombre de particules, qui n'ont pas le temps d'être brûlées. Dans cette situation, on retrouve des particules en sortie du pot d'échappement, à des taux supérieurs à la norme autorisée sur cycle.
- Pendant ces phases de régénérations du filtre, celui-ci perd une partie de ses capacités de filtration -
Mais c'est là qu'il faut bien distinguer émissions ponctuelles et émissions moyennes :
- Les émissions ponctuelles correspondent à un niveau mesuré à un instant précis. Par exemple, dans notre cas, il s'agirait de mesurer le nombre de particules dans un échantillon de gaz d'échappement, prélevé pendant quelques secondes lors de la phase de régénération. On trouverait dans ce cas une concentration assez importante de particules.
- Les émissions moyennes, ce sont les quantités totales émises pendant une durée définie, divisées par la distance parcourue : c'est cela que régule la norme. Dans notre cas, il s'agirait par exemple de la quantité de suies qu'on trouverait en moyenne dans chaque échantillon, si l'on faisait un prélèvement régulier, pendant 500km.
Dans le cas de la régénération du filtre à particules, les émissions ponctuelles peuvent être élevées, jusqu'à 10 fois au-dessus de la limite de la norme. Le reste du temps... On est 100 fois en-dessous de la limite autorisée ! La procédure de régénération est suffisamment courte pour qu'en moyenne, les émissions de suies restent bien en-dessous de la norme !
- L'objectif de la norme n'est actuellement pas de définir une limite d'émissions ponctuelles, mais un maximum d'émissions moyennes -
Un petit schéma pour clarifier tout cela s'impose :
Les émissions de suies instantanées dépassent le seuil de la norme pendant la phase de régénération. Mais si l'on regarde l'accumulation totale pendant les 500km, on reste globalement en dessous de ce seuil.
L'objectif de la norme n'est actuellement pas de définir une limite d'émissions ponctuelles, mais un maximum d'émissions moyennes, mesurées sur un cycle d'homologation. Cela s'applique à tous les polluants concernés par la norme. A titre comparatif, les NOx se comportent schématiquement de la façon suivante :
Pour tous les polluants, les émissions ponctuelles peuvent grandement varier en fonction des conditions de roulage du véhicule. Ce qui est pris en compte par les normes d'homologation, ce sont toujours les valeurs moyennes.
A noter que dans le cas des suies, les phases de régénération sont comptabilisées lors de l'homologation des véhicules : des tests seront effectués pour connaitre la fréquence et les niveaux d'émissions des régénérations, et les résultats seront injectés dans la mesure qui sera comparée aux seuils d'émissions. Autrement dit : on prend bien en compte les émissions des régénérations lors de l'homologation.
Conséquences environnementales
D'un point de vue santé et qualité de l'air, c'est également la valeur moyenne qui importe : c'est d'ailleurs l'objectif de la norme. En effet, ce sont les fortes concentrations de polluants dans l'air ambiant qui provoquent des effets néfastes. Ces hautes concentrations ne sont pas provoquées par un seul véhicule isolé, mais par l'accumulation des émissions des différents véhicules pendant un laps de temps donné.
- Ce sont les émissions moyennes de tous les véhicules en circulation qui influeront sur la qualité de l'air ambiant -
Si l'on ne recommande pas de respirer directement ce qui sort d'un pot d'échappement, ce n'est néanmoins pas une voiture qui ponctuellement émettra un excès de polluants qui sera problématique : son impact sera 'noyé' dans la masse. Les gaz qui sortent du pot d'échappement sont rapidement dilués dans l'air environnant, et ce sont les émissions moyennes de tous les véhicules en circulation qui influeront sur la qualité de l'air ambiant.
Pour cette raison, annoncer que les moteurs Diesel émettent plus de suies que ce que la norme autorise est... faux ! Car la norme ne se soucie pas des émissions ponctuelles, mais bien des émissions moyennes, qui sont finalement celles qui auront une influence sur la qualité de l'air que nous respirons.
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