Le Diesel n'a décidément plus la cote. En plus d'avoir vu ses ventes chuter sur tout le continent européen depuis 2015, il est devenu la cible préférée des grandes et moyennes municipalités, qui songent à en interdire définitivement la circulation sur leur territoire.
D'un coté, le Dieselgate a prouvé que les émissions réelles de polluants des moteurs Diesel dépassaient largement les seuils autorisés par la norme. Une catastrophe avérée pour la qualité de l'air dans les grandes villes, dans lesquelles la densité du traffic provoque régulièrementdes pics de pollution.
Pourtant, c'est encore le type de moteur le plus fréquemment rencontré sur nos routes, et dans de nombreux pays d'Europe. Interdire le Diesel en ville, c'est y interdire l'accès d'une majorité d'automobilistes. Soit on reste hors de la ville, soit on change de voiture.
Si l'on fait le bilan, interdire totalement le Diesel en ville est-il une bonne idée ? Globalement...
Non !
Une telle mesure semble extrême pour plusieurs raisons, et s'apparente plus à de la communication politique, qui brosse les électeurs soucieux de l'environnement dans le sens du poil, depuis les récents scandales liés au Diesel. Les arguments sont multiples, aussi bien sur le plan technique, que sur les plans industriels ou sociétaux.
D'un point de vue technique tout d'abord : depuis 2015 et le Dieselgate, le temps est passé, et les progrès effectués sur les technologies du moteur Diesel sont énormes. Les nouveaux moteurs Diesel intègrent aujourd'hui différents composants performants et robustes, comme le SCR, qui assurent une dépollution efficace des gaz d'échappement. Ces technologies étaient encore à l'état de prototype en 2015 dans l'automobile, elles sont aujourd'hui monnaie courante. Un moteur Diesel récent n'aura donc pas à rougir par rapport à un moteur essence équivalent, surtout depuis la dernière norme européenne Euro 6d, en application depuis 2019. Depuis la mise en place de cette norme, tous les véhicules vendus doivent avoir été certifiés sur un cycle WLTC et un cycle RDE. Ces derniers ont justement pour but de vérifier les émissions réelles de polluants en conditions réelles, y compris en ville. La marge de tolérance autorisée est très faible sur ce cycle, et garantit un comportement fidèle aux attentes pour l'environnement.
- Les travers de l'époque ont paradoxalement forcé les constructeurs à trouver et mettre en place rapidement de nouvelles solutions techniques performantes -
On notera aussi que pour redorer leur image, la plupart des constructeurs se sont lancés ces dernières années dans une mise à jour drastique des véhicules concernés par le scandale de 2015. Nombre de Diesel accusés de polluer plus qu'annoncé ont été forcés de passer par le garage pour recevoir de nouveaux algorithmes de pilotage du moteur, nettement plus vertueux que les précédents. On y a perdu en performance, agrément et fiabilité, en revanche les émissions de polluants sont nettement redescendues, sous l'influence marquée des gouvernements et des associations de consommateurs.
Le Diesel a donc bien changé depuis 2015, et si les travers de l'époque ont pu justifier d'un rejet de la part des consommateurs, cela a paradoxalement forcé les constructeurs à trouver et mettre en place rapidement de nouvelles solutions techniques performantes. Un Diesel et un essence récents seront tout à fait comparables en termes de pollution !
- Ce type de mesures pénalise ceux qui habitent dans les zones plus écartées, par choix ou par manque de moyens -
Si l'on se penche maintenant sur les conséquences sociétales d'une interdiction totale du Diesel, il faut réfléchir à une échelle plus large. Si l'on prend par exemple le cas de Paris, une telle mesure va avant tout pénaliser... les non-parisiens ! En effet, la majorité des voitures (hors taxis) qui circulent à Paris n'appartiennent pas à des résidents de la ville ! En réalité, seuls un tiers des parisiens environ possèdent une voiture.
> Source : Challenges
La mesure ne serait donc qu'une faible contrainte pour les résidents de la capitale, en revanche elle aurait des conséquences notoires pour les automobilistes qui viennent y circuler ! Un peu facile, surtout quand on voit à quel point Paris a centralisé les activités économiques et administratives depuis des décennies...
Le problème est le même dans de nombreuses autres villes de grande taille : en fin de compte, ce type de mesure tend à exclure les conducteurs de passage, mais ne crée pas ou peu de contraintes pour les résidents de la municipalité. On accroit donc de cette manière la fracture et les tensions entre les zones urbaines et rurales, en pénalisant ceux qui habitent dans les zones plus écartées, par choix ou par manque de moyens. La ville devient de plus en plus exclusive, la grande banlieue d'autant plus isolée.
Il en va de même pour les visiteurs plus lointains, qui utilisent peut-être un véhicule Diesel pour réduire leur impact CO2 sur les longs trajets : on leur refusera l'accès au centre-ville, imposant une contrainte supplémentaires sur leurs déplacements déjà coûteux et complexes. Pas certain que ce soit très favorable pour le tourisme...
- Interdire le Diesel balaye d'un revers de la main des décennies de savoir-faire, de compétences -
Enfin, c'est sur le plan industriel que le risque est majeur : pénaliser de façon radicale le Diesel contraint les entreprises automobiles françaises et européennes à mettre de coté des décennies de savoir-faire, de compétences, et à faire des sacrifices non seulement financiers, mais dans leurs effectifs, pour parvenir à joindre les deux bouts. Le secteur automobile emploie en effet des millions de personnes à travers l'Europe, et le tournant vers l'électrique, en parallèle de l'arrêt du Diesel, équivaut à des dizaines de milliers d'emplois perdus.
- Une fausse bonne idée, qui pourrait faire plus de mal que de bien -
L'application de mesures d'interdiction franches présente donc un risque non négligeable pour l'industrie, et a fortiori l'économie, alors qu'elles ne semblent pas vraiment justifiées d'un point de vue environnemental. Si l'on y ajoute les risques de fracture sociale accrue, le banissement du Diesel dans les municipalités devient une mesure extrême, peu maitrisée et apparait plus comme une fausse bonne idée, qui pourrait faire plus de mal que de bien...
Mais...
Mais les problèmes de pollution existent bel et bien, surtout dans les grandes villes où le traffic dense accroit les concentrations de polluants nocifs. Ne rien faire n'est certainement pas une option valable non plus ! La pollution liée à l'automobile, si elle n'est pas la seule source, n'est certainement pas à prendre à la légère, et les problèmes subsistent, et le Diesel n'y est pas non plus pour rien.
- Un Diesel de 2005 pollue au moins 20 fois plus qu'un Diesel tout neuf -
Tout d'abord, faut bien garder à l'esprit qu'il y a Diesel et Diesel ! Si, comme on le disait plus haut, un Diesel récent répondant à la norme Euro 6d ne pollue pas plus qu'un essence, et pas vraiment plus que sur cycle d'homologation, il ne faut pas oublier non plus que les Diesel ont beaucoup évolué ces dernières années. Et qu'un Diesel de 2005, en termes de NOx et de suies notamment, pollue au moins 20 fois plus qu'un Diesel tout neuf ! On comprend aisément que tous les Diesel ne sont pas à placer dans la même catégorie...
Une solution efficace, parfois déjà mise en place, et qui concerne tous les moteurs à combustion (essence, Diesel, E85, GPL et même hybrides !), consisterait à accélérer le renouvellement du parc automobile. Cela aura un effet nettement plus bénéfique que la simple interdiction d'un seul type de motorisation. Ainsi, des mesures incitatives à l'achat de nouvelles voitures, ou le renouvellement volontaire des utilisateurs, auront rapidement des effets positifs sur la qualité de l'air, même si le traffic automobile ne réduit pas.
- Démarrer sa voiture Diesel au milieu de la ville, pour parcourir 500m, c'est une absurdité d'un point de vue environnemental -
Il y a aussi l'utilisation qui en est faite : arriver en ville avec un Diesel récent, après avoir parcouru 25km pour venir, l'impact environnemental sera quasi-nul. Le moteur sera chaud, le système de dépollution actif et efficace, les émissions de polluants raisonnablement faibles. En revanche, démarrer sa voiture Diesel au milieu de la ville, pour parcourir 500m, c'est déjà nettement plus discutable, surtout si une alternative existe. C'est même une absurdité d'un point de vue environnemental ! Le moteur froid polluera sensiblement plus (NOx et hydrocarbures notamment), sans qu'on bénéficie des avantages du Diesel : faible consommation et faibles émissions de CO2.
Malheureusement, on rencontre encore aujourd'hui régulièrement en milieu urbain des vieux Diesel, qui sont démarrés pour faire des trajets courts... Et même dans le cas de Diesel récents, une mauvaise utilisation, ainsi que le nombre important de voitures en circulation, en font un des contributeurs de la mauvaise qualité de l'air des villes.
Alors, quelles solutions pour améliorer la qualité de l'air en milieu urbain ?
La solution miracle n'existe pas, ce serait trop simple ! Les axes de réflexion sont nombreux, et chaque utilisateur d'une voiture Diesel est un cas particulier. Il devient dès lors difficilie d'établir une loi générale qui fonctionnerait pour tous. Pourtant, il est aujourd'hui inconcevable de ne rien faire pour améliorer la qualité de l'air qu'on respire.
Les efforts doivent probablement se faire à tous les niveaux, public et privé, et c'est avant tout la sensibilisation collective et la prise de conscience générale qui permettront de faire une différence réelle. Individuellement, on n'a quasiment aucun impact sur l'environnement, une voiture de plus ou de moins sur la route, ca ne fait pas une grande différence. Mais collectivement, on peut tout changer. C'est en adoptant tous des pratiques meilleures que l'on peut avoir une influence quelconque sur l'environnement, et c'est mathématique : une personne qui réduit de 20% ses émissions, ce n'est rien. Tout le monde qui réduit de 20% ses émissions, et c'est la pollution globale qui diminue de 20%.
- Avoir un véhicule adapté à ses besoins, c'est réduire son impact environnemental -
Concernant l'utilisation des voitures, et notamment du Diesel, on peut mentionner quelques points généraux qui, connus de tous, aideront certainement à réduire son empreinte environnementale :
- Les véhicules thermiques (Diesel ou essence) polluent plus à froid qu'à chaud : les utiliser uniquement en milieu urbain, et surtout pour des courtes distances, aura une très mauvaise influence sur la qualité de l'air. Autant que possible, il faudrait éviter les déplacements en voiture sur de courtes distances, et favoriser les autres moyens de transport : à pied, en vélo, en trotinette, en transports en communs... Tout est bon pour éviter de démarrer sa voiture pour 10min !
- On l'a vu précédemment, les vieux véhicules polluent nettement plus que les modèles récents. Échanger son vieux Diesel contre une voiture pus récente et mieux adaptée, c'est déjà faire un grand pas en avant pour l'environnement ! Et comme la sécurité passive des voitures a également beaucoup progressé, on fera d'une pierre deux coups !
- Chacun a une utilisation particulière de son véhicule. Celui qui habite en ville ne se servira surement pas de sa voiture de la même façon que quelqu'un qui vit en pleine campagne. Avoir un véhicule adapté à ses besoins, c'est aussi s'assurer de réduire au maximum son impact environnemental. A partir de quelques informations sur vos habitudes en voiture, il vous guidera vers le type de motorisation le mieux adapté !
- Rien ne sera jamais plus efficace que de réduire nos déplacements et éviter l'utilisation d'énergie -
C'est aussi au niveau de nos modes de vies qu'il faut envisager des changements. Si tout est toujours plus facile à dire qu'à faire, il est aujourd'hui indispensable de réfléchir à des solutions concrètes pour améliorer la qualité de l'air dans nos villes. Quelques idées :
- Améliorer la fluidité du traffic ! Rien n'est pire qu'une voiture qui démarre et freine sans cesse, ça ne fait du bien ni à la voiture, ni au conducteur, ni à la qualité de l'air ! En effet, on dépensera de grandes quantités de carburant à réaccélérer constamment le véhicule, pour tout dissiper au freinage quelques secondes plus tard. Dans ces conditions, les systèmes de dépollution sont en plus peu performants, et auront plus de mal à filtrer les NOx qui sortent du moteur. Il faudrait donc favoriser à tout prix une meilleure circulation dans la ville, contrairement à ce qu'on observe souvent !
- C'est dans les zones urbaines les plus denses que les émissions de polluants sont les plus problématiques, car elles s'y concentrent à des niveaux qui peuvent s'avérer nocifs pour notre santé. Autant que possible, il faudrait donc éviter le simple passage à travers les villes, en favorisant un contournement par des zones moins critiques. Le double avantage de ceci est à la fois la réduction directe des émissions dans les zones les plus denses, mais également une meilleure fluidité du traffic au sein de celles-ci !
- De la même façon, l'amélioration du réseau et de l'accès aux transports alternatifs serait fondamental pour permettre une réduction de la pollution urbaine. S'il est difficile de se passer d'une voiture dans des zones isolées, il devient plus difficile de trouver une excuse quand on vit à 50m d'une station de train ou de bus... Les besoins des utilisateurs évoluent, et adapter les réseaux de transport est parfois un vrai casse-tête, mais des solutions existent déjà, en France et en Europe : parkings 'Park & Ride' juste à l'extérieur des villes, stations vélos, véhicules électriques en libre-service, etc... Il appartient également à chacun d'entre nous d'adapter nos habitudes pour en tirer parti autant que possible !
- Enfin, pour réduire la pollution, la meilleure solution est toujours de...ne pas polluer ! Cela peut paraitre idiot, mais rien ne sera jamais plus efficace que de réduire nos déplacements et éviter l'utilisation d'énergie. Moins se déplacer, marcher, prendre le vélo, autant de solutions qui sont aussi simples qu'efficaces ! A consommer sans modération !
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