Cinq ans après le Dieselgate, qui a dévoilé au monde entier les méthodes de triche des constructeurs automobiles, les ventes de véhicules Diesel ont chuté drastiquement, et l'image de marque de certains constructeurs a été profondément ternie. Pourtant, l'eau a coulé sous les ponts, et les choses ont changé depuis. Alors, trichent-ils toujours ? Si l'on analyse la situation actuelle d'un point de vue législatif et technique...
C'est peu probable.
C'est avant tout d'un point de vue technique qu'aujourd'hui, il devient a priori impossible pour les constructeurs de tricher. En 2015, la norme Euro 6 venait d'être mise en place, et l'homologation des véhicules se faisait sur cycle NEDC (pour en savoir plus, consultez notre page dédiée). Depuis, la norme a bien évolué, et alors qu'on prépare le passage vers Euro 7, les conditions de certification des véhicules sont devenus nettement plus contraignantes.
On ne se contente plus aujourd'hui de faire un test NEDC pour homologuer un véhicule : la dernière norme en vigueur depuis 2019 impose maintenant un test WLTC (pour World-harmonized Light duty Test Cycle) et un test RDE (pour Real Driving Emissions). Ces deux tests sont nettement plus fiables et représentatifs que le NEDC qui était en vigueur en 2015.
Le WLTC tout d'abord : si dans les grandes lignes, on peut le voir comme une version 'améliorée' du NEDC, il a la qualité d'être plus long, et surtout de couvrir des conditions de roulage plus variées et plus réalistes que le NEDC. Quand ce dernier était composé de phases stabilisées entre 0 et 120km/h, séparées d'accélérations et freinage très tranquilles, le WLTC se montre clairement plus agressif, avec des vitesses allant jusqu'à 135km/h, mélangeant accélérations fortes et freinage sévères, conditions urbaines, extra-urbaines et plusieurs minutes de roulage équivalent à de l'autoroute.
Mais on pourrait encore se dire que les constructeurs pourraient tricher sur un tel cycle, puisque finalement, il est toujours effectué en laboratoire, toujours dans les mêmes conditions, en suivant toujours le même profil de vitesse... Rien d'insurmontable pour des ingénieurs en automobile compétents. C'est donc pour cela qu'on a également introduit le RDE.
Le RDE, c'est 'tout simplement' une mesure des émissions de polluants lors d'une utilisation du véhicule sur route ouverte, en conditions de circulation réelles. Pour s'affranchir de toute spécificité liée aux conditions de laboratoire, la Commission Européenne a développé cette nouvelle procédure de test, qui grace à une remorque tirée par le véhicule en cours d'homologation, permet d'estimer précisément les émissions réelles du véhicules quand il circule 'normalement'.
Pour valider son test RDE, le véhicule devra, pendant plusieurs heures, rouler au milieu des autres voitures, en variant ville, route de campagne et autoroute de façon aléatoire. Ni la température, ni les conditions de circulation, ni l'itinéraire exact ne sont connus à l'avance : il devient donc impossible pour les constructeurs d'anticiper le déroulement exact du test, comme c'est le cas pour les tests en laboratoire.
Avec une marge de tolérance liée à l'aspect aléatoire du test, le véhicule doit respecter les seuils d'émissions de polluants pour pouvoir être commercialisé. La marge de tolérance est d'ailleurs vouée à baisser progressivement dans les années à venir, rendant ce test encore plus sévère.
- Difficile de voir comment, techniquement, tricher serait encore possible -
En attendant, la complexité du test et surtout son aspect aléatoire ne donnent aucune marge de manoeuvre aux constructeurs. Il ne faut jamais dire jamais, mais dans l'état actuel des choses, difficile de voir comment, techniquement, tricher serait encore possible...
D'autre part, il y a désormais d'autres aspects à prendre en compte, qui devraient éviter toute tricherie pour les années à venir...
Image de marque et état d'esprit
Au-delà de la difficulté technique d'une quelconque triche aujourd'hui, c'est aussi d'un point de vue commercial que les constructeurs ne souhaitent plus prendre le moindre risque. Plusieurs entreprises du secteur ont passé des années à sauver leur image après le Dieselgate (VW, Mercedes, Fiat, Renault, ...), alors que certains ont justement bénéficié d'un comportement déjà plutot vertueux pour l'époque (BMW par exemple).
Pour faire oublier les écarts passés, la plupart des constructeurs ont vanté la mise à jour de leurs véhicules, la prise de mesures environnementales drastiques, une accélération de la transition vers l'électrique... De gros effort ont été investis, et ils commencent tout juste à payer. Alors prendre le risque de tricher et se faire attraper maintenant, cela semble peu probable...
Sans parler de l'aspect financier de la triche. Plusieurs milliards d'euros pour VW, des millions d'euros encore dépensés aujourd'hui par la plupart des constructeurs pour mettre à jour les véhicules, des investissements massifs pour mettre les technologies au niveau des normes... Aucun constructeur n'est prêt à subir cela à nouveau, surtout avec la crise du Covid-19, qui met l'industrie automobile à genoux.
Il ne faut pas oublier également la surveillance médiatique exacerbée depuis le Dieselgate : aujourd'hui encore, les journalistes n'hésitent pas à creuser le moindre aspect nébuleux dans le comportement de nos voitures (parfois à l'excès), surfant sur la vague du Dieselgate qui a fait les gros titres pendant plusieurs semaines. De leur coté, les constructeurs n'osent rien cacher, de peur de paraitre suspects... La surveillance est donc permanente !
Même son de cloche du coté de la Commission Européenne, chargée des homologations : il en va de son image et de sa crédibilité de ne pas se faire mener en bateau par les constructeurs une deuxième fois. Les processus de certification sont maintenant suivis de beaucoup plus près, et de nombreuses justifications techniques sont en permanence demandées aux constructeurs en cas de doute.
Enfin, tout simplement, c'est au sein des entreprises automobiles que le plus grand changement de mentalité a eu lieu : si jusqu'en 2015, certains s'amusaient de la facilité avec laquelle il était possible "d'optimiser" un véhicule pour son homologation, c'est maintenant tout l'inverse qui se produit. L'homologation est prise très au sérieux, et toute évolution ou prise de risque technique devient une épée de Damoclès redoutée. Les abus passés sont devenus tabous, et personne n'oserait aujourd'hui proposer une méthode de triche sans risque de représailles, tant la plaie du Dieselgate est encore fraiche !
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